PREALABLE
Ce chapitre ne requiert pas la lecture préliminaire d’autres chapitres.
Remarque. Dans ce chapitre on s’est limité à la présentation des propriétés de l’eau les plus utilisées dans le domaine des relations plantes-eau (DRPe)[1]. L’eau a bien d’autres propriétés dont il n’est pas fait état ici.
RESUMÉ
L’eau est un corps très particulier du fait de ses propriétés physiques et chimiques. Chose rare, les trois états dans lesquels elle se trouve, à savoir l’état gazeux, l’état liquide et l’état solide, coexistent dans une gamme de températures compatibles avec la plupart des expressions de la vie. Bien que très variable (plus de 95% du poids d’une tomate et de l’ordre de quelques pourcents seulement chez bon nombre de graines), la teneur en eau des organismes vivants est souvent supérieure à 50% de leur masse.
L’eau joue de multiples rôles essentiels dans le fonctionnement des organismes et des végétaux en particulier :
- l’eau est un très bon solvant : les molécules d’eau peuvent s’associer à un grand nombre de solutés, (aliments minéraux et sucres en particulier) nécessaires à la vie des cellules lesquels sont de ce fait transportés du sol dans les différents organes des plantes.
- l’eau est impliquée dans un très grand nombre de réactions et de processus chimiques : en particulier elle intervient dans la photosynthèse qui fabrique les sucres qui nourrissent les cellules végétales. Les molécules d’eau jouent aussi un rôle structurant auprès d’un grand nombre de molécules en leur conférant une « organisation » qui les dote de propriétés particulières.
- les molécules d’eau peuvent aussi établir des liaisons avec des surfaces solides : ce phénomène est à la base des effets capillaires (chapitre I.3).
- l’eau est capable de stocker et déstocker des calories : elle joue de ce fait un rôle essentiel dans la régulation thermique des végétaux.
- l’eau peut, lors de son passage d’un état à l’autre (en particulier quand elle passe de l’état liquide à l’état gazeux) échanger de l’énergie avec l’environnement.
- les molécules d’eau peuvent s’associer entre elles, ce qui confère une grande cohésion à l’eau. Cette cohésion de l’eau est aussi absolument nécessaire au transport de la sève à travers le végétal qui, on le verra, se fait en pressions négatives.
- le passage d’un état de l’eau à l’autre est un phénomène courant dans la vie des végétaux : la transpiration foliaire implique le passage de l’eau liquide à l’eau vapeur (chapitre II.5). La condensation de l’eau sur les feuilles est le phénomène inverse ; la prise en glace est le passage liquide-solide (avec dilatation), lequel intervient dans la destruction des cellules par le froid.
Ces aspects du comportement physique de l’eau sont développés dans ce chapitre et résumés ci-dessous principalement pour les lecteurs de niveau 1 :
- La molécule d’eau est simple : elle est formée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène (fig.1). La liaison entre ces atomes est très solide.
- Dans une molécule d’eau il y a des charges électriques positives et négatives. Les unes et les autres n’étant pas réparties régulièrement, il y a donc des régions plutôt « positives » et des régions plutôt négatives. Il en résulte que la molécule d’eau est une sorte de petit aimant. Elles s’orienteront donc dans un champ électrique.
- A l’état liquide et à l’état solide (glace) les molécules d’eau sont reliées les unes aux autres par une autre liaison bien moins solide : la liaison « hydrogène » (fig.3) ou liaison « H ».
Dans l’eau à l’état liquide ou à l’état solide (glace), les molécules d’eau ne sont pas isolées : elles sont reliées entre elles par une ou plusieurs liaisons H, jusqu’à quatre. Ces liaisons se font et se défont continuellement. Leur nombre varie avec la température : plus la température augmente moins le nombre des liaisons H est grand car l’agitation thermique détruit les liaisons H. Cette variation du nombre de liaisons H avec la température permet de comprendre pourquoi la glace est moins dense que l’eau liquide.
- A l’état gazeux les distances entre molécules sont bien plus grandes que dans l’eau liquide ou dans la glace et il n’y a plus de liaisons H : les molécules d’eau sont isolées pour la plupart.
On trouvera dans le tableau 1 une comparaison entre les trois états gazeux, liquide et solide au niveau moléculaire et au niveau macroscopique.
Un gaz exerce une pression sur les parois du récipient qui le contient. La pression est définie comme le rapport d’une force sur une surface. Elle dépend donc de deux facteurs : une même force donnera lieu à une pression d’autant plus grande qu’elle s’exercera sur une surface petite (fig.21).
La pression se manifeste de façon différente dans un gaz et dans un liquide :
i) Dans un récipient contenant un gaz, la pression est la même partout (fig. 22) sauf si on a une hauteur de gaz très grande comme la couche atmosphérique par exemple. Par contre dans un volume d’eau « au repos » c’est-à-dire à l’équilibre, comme par exemple le volume d’eau contenu dans un bac à l’air libre, la pression est la même dans un même plan horizontal mais elle varie avec la profondeur : elle augmente avec le poids du liquide qui est au-dessus (fig. 26).
ii) Si l’on dispose d’une pompe à vide on peut pomper l’air d’un récipient. Plus la pompe sera performante plus on pourra faire descendre la pression dans le récipient. On se rapprochera d’une pression nulle mais jamais on obtiendra une pression négative.
Un liquide, au contraire peut être sous pression positive ou sous pression négative ! C’est surprenant mais c’est ainsi : c’est précisément ce qui se passe dans un capillaire (cf. chapitre I.3) mais aussi, pour la sève, chez une plante qui transpire : la sève du xylème est, dans ce cas, à des pressions très inférieures à la pression atmosphérique ! On parle alors de pressions négatives, ou d’état de « tension ».
Il existe plusieurs façons de caractériser l’état d’un gaz particulier dans un mélange de gaz. L’une des possibilités est de parler en poids : ainsi l’air atmosphérique contient, environ 75% d’azote 23% d’oxygène, 1% d’argon et de 0,5 à 2% de vapeur d’eau, selon le lieu ou le moment. Le troisième constituant est l’argon (1,3%) ; les autres gaz comme le gaz carbonique ne représentent que quelques dix-millièmes du poids de l’air. Malgré cela, le gaz carbonique joue, on le sait, un rôle primordial dans le climat terrestre par sa capacité de renvoyer sur la terre une partie du rayonnement qu’elle émet (c’est ce qu’on appelle l’effet de serre).
Une autre façon de quantifier la présence d’un gaz dans un mélange gazeux est de parler non plus en poids mais en pressions. L’air est à une certaine pression (environ 1 atmosphère ou 1 x 105 pascals) : chacun des gaz contenu dans l’air contribue à cette pression totale proportionnellement à sa quantité. On peut dire la même chose d’une autre façon : la pression totale de l’air est la somme des pressions « partielles » de chacun des gaz qui le compose.
Pour la vapeur d’eau contenue dans l’air cette pression partielle est une pression de vapeur, saturante ou non saturante. Pour comprendre cette notion très importante il faut se rapporter aux figures 14 et 15. Disons simplement que la quantité maximale de vapeur d’eau que peut contenir un volume d’air est uniquement fonction de la température : plus celle-ci sera élevée, plus la quantité maximale de vapeur d’eau sera élevée (fig. 15). Cette limite supérieure s’appelle la vapeur saturante. Si on essaie de dépasser cette limite, la vapeur d’eau se condense sous forme liquide. C’est ce qui se passe quand de l’air chaud et riche en vapeur d’eau est refroidi : il y a condensation car la quantité de vapeur d’eau que peut retenir l’air refroidi est inférieure à celle de l’air plus chaud. Ces phénomènes permettent de comprendre deux notions souvent utilisées dans le DRPe pour caractériser l’air du point de vue de la vapeur d’eau qu’il contient : la température du point de rosée et l’humidité relative.
Le point de rosée est la température à laquelle la pression de vapeur devient une pression de vapeur saturante (fig 15).
L’humidité relative HR est le rapport entre la pression de vapeur de l’air (raccourci pour dire
« la pression de vapeur d’eau de l’air ») à une certaine température et la pression de vapeur saturante, maximale, à la même température. Elle varie donc de 100 (air saturé en eau) à 0% (air complètement sec). Exemple : si l’HR est de 50%, cela signifie que l’air contient 50% de la quantité maximale de vapeur d’eau (HR de 100%) qu’il peut contenir à cette température. Si on refroidit cet air à 50% d’HR, on finira par atteindre une valeur de température (fig. 15) pour laquelle HR devient saturante (HR= 100%). Cette valeur de température s’appelle le point de rosée. Attention : comme le montre le tabl. 2, on ne peut comparer des HR, pour en déduire qu’un air contient plus de vapeur d’eau qu’un autre, que si la température de l’air est la même dans les deux cas. (cf. tabl. 2).
L’existence de l’eau dans l’un des trois états possibles à savoir l’état gazeux, liquide ou solide est sous la dépendance de deux grandeurs physiques : la température et la pression. Pour prendre un exemple banal, à partir de 0°C l’eau liquide se transforme en glace. En fait ceci n’est vrai que si la pression est la pression atmosphérique ; si la pression était supérieure, le même passage se ferait à des températures négatives !
L’organisation des trois domaines dans lesquels l’eau est gazeuse, liquide ou solide est donnée par une figure particulière appelée « le diagramme de phases », fig. 32. Celui-ci indique, pour un couple de valeurs particulières de température et de pression, dans lequel de ces trois états (on parle aussi de phases) se trouve l’eau. Chaque état a un domaine limité par une frontière (les courbes S, F et V) ; il y en a trois : une frontière solide-liquide (ou liquide-solide), une frontière liquide-gaz (ou gaz-liquide) et une frontière solide-gaz ou inverse. Chaque passage d’un état à un autre suppose soit un apport d’énergie (ex : le passage liquide vapeur, appelé vaporisation) soit au contraire une production d’énergie (ex : le passage inverse du précédent appelé condensation, cf. fig. 30).
Si une certaine quantité d’eau se trouve sur une de ces frontières elle y est sous deux états dont les proportions vont dépendre de l’énergie : par exemple le passage de la frontière V, dans le sens liquide vers gaz (évaporation) demandera un apport d’énergie alors que le passage inverse, gaz vers liquide (condensation), libérera de l’énergie (en même quantité, cf. fig. 30 et 31).
[1] Dans tout ce document l’abréviation « DRPe » est utilisée pour l’expression « Domaine des relations plantes-eau ».