PRÉALABLE
La lecture intégrale du chapitre I.1 "Les trois états de l'eau et leurs changements" n’est pas indispensable à la compréhension de ce chapitre. Par contre il faut savoir ce qu’est une mole (§ III.2 du chapitre I.1), et ce que sont les états de l’eau (§ IV du chapitre I.1).
Note 1 : Deux abréviations seront souvent utilisées : « DRPe », pour « Domaine des relations plantes-eau » et « CSPA » pour : Continuum Sol-Plante-Atmosphère.
Note 2 : Les termes nouveaux sont indiqués en italique, de couleur bleue
RÉSUMÉ
Ce résumé est destiné en premier lieu aux lecteurs « jardiniers » plutôt que « physiologistes ». Il reprend donc en termes simplifiés les points essentiels du chapitre.
Les liquides qui circulent dans les plantes et dans les sols, ne sont pas composés d’eau pure : ce sont des « solutions » aqueuses qui contiennent des substances très variées quant à leur état (ions, molécules,…) et à leur nature chimique (sels minéraux, sucres, protéines,…). Une solution comprend deux éléments : le solvant (l’eau dans le cas des solutions « aqueuses ») et le (ou les) soluté(s) comme du chlorure de sodium ou du glucose. Il peut y avoir plusieurs solutés dans l’eau de la plante. Du fait de la présence d’un soluté, les propriétés physiques des solutions ne sont pas les mêmes que celles de l’eau pure. On sait bien, par exemple qu’une solution contenant du sel (chlorure de sodium) gèlera à une température plus basse que l’eau pure, d’où la pratique de répandre du sel sur les routes en hiver. Ce chapitre présente quelques-unes des propriétés des solutions diluées qui, comme leur nom l’indique, contiennent des solutés en faible concentration. Le cas des solutions concentrées, plus compliqué, n’est qu’effleuré.
Un phénomène particulièrement important dans le domaine des relations plantes-eau et dans les plantes est l’osmose, phénomène qui se manifeste par exemple dans le dispositif expérimental appelé « osmomètre » (figures 6, 7 et 8). Lorsque deux compartiments (A et B) l’un contenant de l’eau pure (A), l’autre une solution aqueuse plus ou moins concentrée (B), sont séparés par une membrane hémiperméable c’est à dire perméable à l’eau mais imperméable au soluté, on constate que l’eau a tendance à passer de A vers B et que ce mouvement ne cesse que si l’on exerce sur la solution de B une contre pression suffisante. On appelle pression osmotique de la solution B l’excès de pression hydrostatique qu’il faut exercer sur B pour arrêter le flux d’eau de A vers B.
Si la concentration en solutés n’est pas trop grande, la pression osmotique est proportionnelle à la concentration en solutés de cette solution. C’est la loi de van ’t Hoff (équat. 8).
Si la membrane laisse également passer le soluté de B vers A, c’est-à-dire si elle n’est pas strictement hémiperméable, l’équilibre ne sera atteint (absence de flux) que lorsque la concentration en soluté sera la même dans les deux compartiments.
Les phénomènes osmotiques proprement dits supposent la présence de membranes semi-perméables et n’existent qu’à l’échelle cellulaire. La grande majorité des échanges d’eau qui s’observent en permanence dans le DRPe, entre le sol, les plantes et l’atmosphère, ne font donc pas intervenir directement la pression osmotique. C’est le cas par exemple, du flux d’eau qui traverse les couches de sol, ou qui quitte les feuilles sous forme vapeur (transpiration). D’autres phénomènes interviennent dans ces cas, comme des différences de pression hydrostatique, des différences de pression de vapeur, la turbulence, etc. Pour connaître le sens et la valeur des flux d’eau dans un système quelconque, on dispose d’une grandeur physique ayant un sens plus général que la pression osmotique, le potentiel hydrique, qui joue pour les mouvements d’eau un rôle analogue à celui joué par la température pour les transferts de chaleur.
En effet, quand on connaît la température de deux corps mis en présence l’un de l’autre, on peut dire dans quel sens passera la chaleur. On sait que si la température est la même, il n’y aura pas d’échange de chaleur et que, si elle n’est pas la même, il y aura un échange (on dit un flux) de chaleur entre ces deux corps. Enfin, on sait que cet échange se fera du plus chaud vers le plus froid. Pour les échanges d’eau il en est de même : l’équivalent de la température est donc le « potentiel hydrique » (noté par la lettre grecque Y qui se prononce « psi »). S’il est le même entre deux corps susceptibles d’échanger de l’eau (par exemple deux réservoirs à la même hauteur) il n’y aura pas d’échange d’eau ; par contre si on installe une fleur coupée dans un verre d’eau elle va absorber de l’eau : il y aura un flux d’eau parce que le « potentiel hydrique » de la fleur sera différent (plus bas !) que celui de l’eau du vase (si le système de transport de cette eau dans la tige est resté fonctionnel).
Le potentiel hydrique traduit « l’état énergétique » de l’eau dans un compartiment donné : une cellule, une tranche de sol, une feuille, la vapeur d’eau de l’air, etc. Chacun sait que l’eau chaude cède des calories à l’eau froide et que la condition d’un équilibre thermique entre les deux est que leur température soit égale. De même, un sol humide peut céder de l’eau à une plante parce que le potentiel de l’eau dans ce sol est plus élevé que celui de la plante.
En résumé voici ce qu’il faut retenir du potentiel hydrique :
Les flux d’eau entre le sol, la plante et l’atmosphère sont avant tout une affaire de différences d’état énergétique de l’eau, donc de potentiel hydrique, dans chacune de ces entités (on parlera de «compartiments »).
1) Le potentiel hydrique détermine le sens des échanges d’eau :
- si deux compartiments n’ont pas le même potentiel hydrique et qu’ils communiquent, alors il s’établit un flux d’eau entre ces deux compartiments. Comme entre deux réservoirs reliés par un tuyau, l’eau coule du compartiment où le potentiel hydrique est le plus élevé (le réservoir le plus haut) vers celui où il est le plus faible (le réservoir le plus bas).
- si deux compartiments ont le même potentiel hydrique et qu’ils communiquent, alors il n’y a pas de flux d’eau entre ces deux compartiments.
2) Le potentiel hydrique concerne tous les « compartiments » quel que soit l’état considéré (gazeux, liquide ou solide); on peut définir le potentiel de l’eau du sol, d’un échantillon végétal et de la vapeur d’eau de l’air.
3) Dans un milieu complexe, le potentiel hydrique a souvent plusieurs composantes en fonction de la nature des phénomènes qui s’y exercent. Ainsi le potentiel hydrique du sol (potentiel matriciel) est déterminé par des phénomènes de capillarité, ou électriques liés à la minéralogie, la texture et la structure du sol. Le potentiel hydrique des cellules des plantes a, quant à lui, deux origines : la pression osmotique du suc cellulaire, la « pression de turgescence » des cellules. C’est la résultante de ces différentes composantes qui détermine la valeur du potentiel hydrique d’un échantillon végétal ou d’une couche de sol par exemple. Le potentiel hydrique de la vapeur d’eau de l’atmosphère est une fonction de l’humidité de l’air. Donc :
- dans un sol, la composante principale du Y, sauf s’il s’agit de sols salés, est la composante matricielle Ym. On a donc : Y ≈ Ym
- chez les végétaux, le Y a deux composantes : une composante osmotique, Yo = - p et une composante de turgescence, Yp , et l’on peut écrire Y = Yo + Yp
Dans cette écriture, les conventions de signes sont :
Yp généralement ≥ 0 sauf cas de flétrissement et plasmolyse où il est ≤ 0
Yo est toujours ≤ 0
4) Les potentiels hydriques s’expriment en unités de pression quelle que soit leur origine : l’unité de pression étant le Pascal (dans le S.I.), on exprimera le potentiel osmotique d’un organe, d’un sol ou même de la vapeur d’eau de l’air en pascal (Pa) ou mégapascal, (MPa). Noter qu’il existait une autre unité de pression, en dehors du système international d’unités, le bar, qui vaut sensiblement 0.1 MPa.
5) Les valeurs d’un potentiel sont toujours des valeurs « relatives » c’est-à-dire comptées par rapport à un état de référence, appelé aussi « état standard ». Par convention cet état de référence est celui de l’eau dite « libre » : pure, à la pression atmosphérique (mais aussi, pour être complet, à une altitude et à une température de référence) : le potentiel hydrique de cet état vaut zéro. Ce choix d’une valeur de référence est exactement ce qu’on fait quand on dit : l’altitude est de 1000 m ; sous-entendu 1000 mètres au-dessus du niveau de la mer, niveau moyen auquel on a attribué la valeur 0.
Dans le DRPe les valeurs du potentiel hydrique (du sol, des racines, des feuilles, ..) sont presque toujours négatives du fait des forces de liaison qui diminuent l’énergie des molécules d’eau. Il faut en effet fournir de l’énergie aux molécules d’eau liée pour rompre les forces de liaison qui les retiennent aux structures et la transformer en eau « libre ». Imaginons une éponge imbibée d’eau : il faut fournir de l’énergie en la serrant dans sa main pour en extraire l’eau ; et moins il restera d’eau, plus celle-ci sera solidement liée aux parois et aux pores de l’éponge. Il faudra donc fournir de plus en plus d’énergie, en serrant de plus en plus fort, pour extraire cette eau liée et la faire passer à l’état libre. Cet exemple illustre l’action des forces de capillarité qui retiennent l’eau à une matrice solide. D’autres forces sont à l’œuvre dans les cellules.
Par définition, le potentiel hydrique représente la quantité d’énergie qu’il faudrait fournir à un volume unitaire d’eau (l ou m3 par exemple) pour le faire passer de l’état lié à l’état libre au cours d’une transformation réversible et isotherme. Cette définition conduit à exprimer le potentiel hydrique en unités de pression : Pa ou MPa, ce qui est cohérent avec le fait que les mesures de potentiel hydrique dans le DRPe font le plus souvent appel à des techniques manométriques.
On trouvera dans le tableau 1 présenté au § ii.4 quelques valeurs courantes du potentiel hydrique dans le sol, les plantes et l’atmosphère. Ces exemples permettront de fixer les idées.