Les organes d’une plante sont composés de différents tissus, eux-mêmes formés de cellules. Ces cellules (Fig. 1), lorsqu’elles ont vivantes, contiennent un noyau, un cytoplasme limité par une membrane plasmique (appelée plasmalemme), au moins une vacuole, le tout entouré par une paroi plus ou moins rigide appelée « pectocellulosique[1] », spécifique des végétaux. Les cytoplasmes des cellules, contenant divers organites cytoplasmiques (voir Chap. II.1), communiquent entre eux par l’intermédiaire des plasmodesmes, canaux extrêmement fins (environ 20 à 60 nm ; 1 nanomètre = 10-9m) qui traversent les parois (voir photo 1). Ces communications permettent le transport de l’eau, de nutriments, de molécules de signalisation, notamment celles qui initient ou régulent la transcription des gènes. Ces plasmodesmes sont localisés dans certaines zones, très étroites, des parois cellulaires. Dans ces zones, ils peuvent être extrêmement nombreux (jusqu’à un million par millimètre2), ce qui conduit a une surface globale atteignant environ 1% de la surface cellulaire. L’ensemble des cytoplasmes en communication est appelé symplaste (synonyme : symplasme). Ce qui rentre ou ce qui sort du compartiment symplasmique est sous la dépendance de la membrane cytoplasmique qui opère un contrôle sur la solution liquide qui la traverse et change souvent sa composition, en laissant passer certains éléments, par exemple certains ions, et pas d’autres.
L’apoplaste (synonyme : apoplasme). est le continuum extérieur à la cellule dans lequel l'eau et les solutés peuvent circuler : il est constitué par les parois pectocellulosiques, les espaces vides (les méats) entre les cellules et surtout les éléments conducteurs de la sève brute (cf. ci-dessous).
Figure 1. Schéma d’une cellule végétale. Source : http://www.edu.upmc.fr/
Photo 1. Un plasmodesme, faisant un pont entre deux cellules végétales. Sa longueur est ici d’environ 1,5 mm. Tiré de Ehlers K, Kollmann R (2001) Primary and secondary plasmodesmata: structure, origin, and functioning. Protoplasma 216:1–30.
Dans son parcours à travers la plante, des racines aux feuilles, l’eau emprunte donc différentes structures anatomiques qui se rangent soit dans la voie symplastique soit dans la voie apoplastique.
Comme on le verra de façon plus approfondie dans les Chap. II.4 et II.9, il existe dans un végétal vasculaire deux grands systèmes de transport à longue distance, qui parcourent toute la plante :
· le système vasculaire, ou xylème, qui appartient à l’apoplaste, formé de cellules mortes (vaisseaux et trachéides) ; il transporte la sève brute (ou xylémienne) des racines à tous les organes aériens ;
· le système phloémien, appartenant au symplaste, formé de cellules vivantes (appelées tubes criblés) qui apporte les sucres formés lors de la photosynthèse foliaire (c’est la sève élaborée ou phloémienne) à tous les organes. Ce système est globalement transversal ou descendant.
Figure 2. Schéma distinguant le symplaste et l’apoplaste dans des cellules végétales. D’après : https://cdn.futura-sciences.com/buildsv6/images
Par ailleurs, en plus de constituer des voies de transfert, ces deux systèmes ont chacun un certain volume. Ce sont donc aussi des compartiments hydriques. On parle de compartiment symplastique pour désigner l’ensemble des cytoplasmes des cellules et de compartiment apoplastique pour ce qui est en dehors du compartiment symplasmique.
Trois différences essentielles existent entre ces deux compartiments :
· la première concerne leur géométrie spatiale. Chez les herbacées, le volume du symplaste est bien plus important que celui de l’apoplaste, ce dernier étant plutôt un réseau de distribution. Il existe peu de données sur la grandeur relative de ces deux compartiments, qui varie d’ailleurs d’un organe à l’autre. Des mesures faites montrent que 5 à 20% du volume des tissus est occupé par les parois cellulaires[2]. Mais ce chiffre ne correspond pas à la gamme extrêmement étendue selon les végétaux. En revanche, chez les arbres l’apoplaste est le compartiment le plus important du fait du grand volume de son appareil vasculaire. Ce volume permet en particulier jouer un rôle tampon dans les échanges d’eau (voir Chap. II.3 et II.8).
· une seconde différence est d’ordre fonctionnel : le symplaste, dans la mesure où il regroupe les cellules vivantes du végétal, constitue un compartiment contrôlé par des processus physiologiques actifs, notamment au niveau des membranes cytoplasmiques. On verra aussi que l’entrée d’eau est en partie contrôlée par des canaux très spécialisés situés dans les membranes cytoplasmiques, les aquaporines (voir Chap. II.1). Ce n’est pas le cas de l’apoplaste qui ne possède pas de régulation physiologique et se comporte globalement comme un réseau de canalisations, particulièrement sophistiqué, mais quasiment inertes du point de vue physiologique.
· enfin, l’apoplaste, qui est essentiellement constitué par l’appareil conducteur de la sève brute peut être, de façon plus ou moins permanente, en partie envahi par l’air qui peut y pénétrer en cas de section, de blessure d’un organe, ou en période de sécheresse quand se produit le phénomène de cavitation, suivie d’embolie (voir Chap. II.7).
Il faut retenir que dans une plante, l’eau forme un continuum : il n’y a pas de frontières étanches pour les molécules d’eau, qui peuvent passer de telle partie du symplaste à telle autre partie de l’apoplaste. Ces deux compartiments, séparés par une frontière physique, la membrane plasmique, sont en équilibre dynamique l’un avec l’autre. Cet aspect du « continuum hydrique » dans la plante est approfondi au Chap. II.6.
[1] Ainsi nommée parce que formée de pectine et de cellulose
[2] Cf. Taiz and Zeiger, Plant Physiology, 3éme édition, p.104 ; Milburn, 1979, sur feuilles de ricin donne le chiffre de 12% du volume cellulaire