2. Fonctionnement global
Les propriétés des deux interfaces, le premier entre la plante et le sol, le second entre la plante et l’atmosphère, ont une importance primordiale et conditionnent la réponse de la plante à son environnement climatique et édaphique. L’atmosphère impose la demande climatique, qui entraîne la transpiration qui est l’évaporation de l’eau au niveau des feuilles alors que le sol, son réservoir d’eau, est capable d’alimenter, de façon plus ou moins satisfaisante, cet appel d’eau.
2.1. La transpiration
La transpiration dépend directement de l’interception de l’énergie solaire par les feuilles de la plante. Cette transpiration est d’autant plus importante que le rayonnement solaire, la température de l’air et la vitesse du vent sont élevés et que l’humidité de l’air est faible, facteurs bien connus pour favoriser le séchage du linge à l’extérieur. Les agronomes utilisent la notion d’évapotranspiration potentielle, notée ETP (appelée aussi parfois ETref) qui correspond à la demande évaporative exercée par le climat ; cette grandeur, obtenue à partir de mesures dans un poste météorologique, est maintenant largement utilisée pour calculer les besoins en eau d’irrigation des cultures. L’évapotranspiration maximale, notée ETM, est la quantité maximale d’eau que peut évaporer une surface végétale à un instant et à un stade phénologique donnés. Lorsque les feuilles sont totalement développées, la couverture végétale étant complète et que l’eau du sol est disponible en quantité suffisante, ETM se rapproche de ETP.
L’eau évaporée lors de la transpiration s’échappe par de minuscules ouvertures souvent en forme d’ellipses (de 10 à 80 microns de diamètre), très nombreuses (10 à 100 par mm², parfois plus chez certaines espèces d’arbres) qui trouent l’épiderme des feuilles. Ces petits pores de la feuille sont appelés les stomates (chapitre II.4). Le plus souvent, les stomates sont situés sur la face inférieure des feuilles et sont ainsi abrités des dépôts atmosphériques parfois polluants. Plus précisément, l’eau s’évapore légèrement à l’intérieur des feuilles, sur la surface de cellules spécialisées. Il faut toutefois signaler que d’autres organes de la plante, bourgeons, feuilles ou fruits sont aussi le siège d’une certaine transpiration, mais souvent beaucoup plus modeste que celle des feuilles. Les stomates sont très importants pour la plante, car, en plus de permettre la sortie de l’eau vers l’atmosphère et l’entrée du CO2 dans la feuille pour la photosynthèse, les stomates ont la propriété de réduire ou augmenter leur ouverture en fonction des conditions climatiques extérieures et des stress subis par la plante, assurant ainsi une régulation, en particulier lors d’un dessèchement trop important.
Les plantes développent de grandes surfaces foliaires, souvent supérieures à 3 à 4 m² par m² de surface au sol, allant jusqu’à plus de 8 dans le cas des forêts denses (photo 1). La surface de feuilles par unité de surface au sol est appelée indice foliaire (ou LAI : « Leaf Area Index »). Des surfaces d’évaporation si élevées rendent très efficace le processus de transpiration, mais aussi la photosynthèse ; lorsqu’une plante se développe, sa surface foliaire augmente, ce qui accroît sa transpiration, sa photosynthèse et sa fabrication de biomasse aérienne et souterraine.
Photo 1. Parcelle d’épicéas dont une des bordures a été abattue, en début d’exploitation, dans les Vosges. On y voit en particulier une très forte densité d’arbres et on appréhende ici l’énorme surface foliaire de cette plantation. La surface foliaire est ici d’environ 8 m² par m² de surface de sol.
2.2. La circulation de l’eau dans la plante
L’eau de la transpiration qui circule dans la plante est appelée la sève brute[1]. Cette eau contient une faible concentration en éléments minéraux provenant du sol. Son trajet s’effectue dans un ensemble complexe et dense d’éléments en forme de petits tuyaux, qui s’étendent dans les feuilles, les branches, la tige et les racines[2]. Ce tissu est appelé le xylème. Ces éléments creux sont de très petit diamètre, souvent de l’ordre de 50 à 100 microns, pour quelques millimètres à plusieurs mètres de longueur selon les espèces. Chez certaines espèces, comme les conifères, leur diamètre est encore plus faible, entre 10 et 20 microns ; ces éléments sont appelées les trachéïdes. D’autres espèces, la vigne, le chêne rouvre, contiennent des vaisseaux de diamètre beaucoup plus important, allant jusqu’à plus de 300 microns (0,3 mm) qui sont donc visibles à l’œil nu sur une coupe transversale de bois (Chap. II.2).
Cette tuyauterie, qui rassemble un très grand nombre d’éléments, est très efficace. Les vaisseaux ou les trachéïdes sont souvent accolés les uns aux autres, de minuscules ouvertures sur les parois latérales permettant à la sève brute de passer d’un élément à un autre. Ceci permet à la sève brute de bifurquer lorsque un ou plusieurs de ces éléments sont rendus inopérants par une cause quelconque (voir plus loin).
La sève brute circule dans tous ces éléments à une vitesse qui varie beaucoup selon les espèces. Chez les conifères (épicéas, sapins, pins…), cette vitesse est de l’ordre de 0,5 à 1 m/h. Chez les arbres feuillus à pores diffus comme le hêtre, le bouleau ou le peuplier, elle est de 1 à 5 m/h. C’est chez les espèces à gros vaisseaux, dits à zone poreuse, (chênes, robinier, vigne) que les vitesses mesurées sont les plus élevées, atteignant 50 m/h. On constate ainsi que plus les éléments du xylème sont de gros diamètre et plus la sève brute y circule rapidement.
2.3. L’absorption de l’eau du sol par les racines (voir aussi le Chap. II.4)
L’eau du sol pénètre dans la plante par ses racines fines, dont le diamètre varie de 0,5 à 2 mm selon les espèces. Les plus grosses racines n’absorbent pas l’eau du sol, elles servent à la conduction de la sève brute vers la tige ou le tronc ainsi qu’à l’ancrage de la plante dans le sol. Parallèlement à ce qui a été vu plus haut au sujet des surfaces foliaires, la surface d’absorption constituée par les racines fines est, elle aussi, très importante. Malheureusement, compte-tenu de la difficulté à réaliser de telles mesures, peu d’études fournissent ces chiffres. Citons une belle étude réalisée sur une forêt d’épicéas en Slovaquie (Kucbel et al., 2011) qui donne des valeurs de 3,2 à 3,6 m² de racines fines par m² de surface de sol, correspondant à 30 à 60 m² de surface de racines fines pour un arbre.