Les plantes ont besoin de déployer de grandes surfaces au dessus du sol pour absorber l’énergie solaire et le gaz carbonique nécessaires à la photosynthèse. Ces surfaces sont pour l’essentiel constituées de feuilles. On appelle indice de surface foliaire (ou indice foliaire) la surface de feuilles[1] rapportée à la surface de sol. L’indice foliaire varie entre zéro pour un sol nu et plus de 10 pour des végétations denses. Pour les cultures, il varie entre 0 et 6 en général. La transpiration est la perte en eau qui résulte d'une évaporation de l'eau liquide à l'intérieur de la feuille, puis de la diffusion de vapeur d'eau vers l'air extérieur.
Figure 1. Le stomate se ferme quand diminue la pression de turgescence
Les feuilles contiennent plusieurs couches de cellules renfermant des chloroplastes, les usines à photosynthèse. Ces cellules sont le siège de nombreuses réactions qui se déroulent toutes en milieu aqueux. Pour se protéger du dessèchement, les feuilles sont entourées d’un épiderme (couche de cellules) recouvert de cire (ou cuticule) presque imperméable aux gaz. Comme elles doivent malgré tout absorber du gaz carbonique pour se nourrir, l’épiderme est percé de nombreuses petites ouvertures appelées stomates (du grec stoma, bouche). Ces stomates, formés de deux cellules en forme de lèvres, s’ouvrent lorsque les cellules sont bien hydratées (donc turgescentes) et se ferment lorsqu’elles manquent d’eau[2] (fig. 1). Chez la plupart des plantes cultivées, on trouve des stomates sur les deux côtés de la feuille, en densité comparable. Par contre, chez les graminées de milieux arides, la face inférieure a souvent beaucoup moins de stomates que la face supérieure ; de cette façon, lorsque la feuille se plie en deux ou s'enroule en réponse au manque d'eau, seule la face inférieure reste en contact avec l'air, ce qui diminue fortement la transpiration, avant même que les stomates se ferment. Chez la plupart des arbres feuillus, on trouve des stomates seulement sur la face inférieure de la feuille.
Les stomates répondent à plusieurs facteurs du milieu. Ils s'ouvrent le jour en réponse à la lumière et se ferment la nuit. L'ouverture maximale augmente avec la température jusqu’à un optimum, mais diminue lorsqu'augmente la teneur en CO2 ou la sécheresse de l'air[3]. Plusieurs modèles de fonctionnement stomatique rendent compte de ces réponses de façon plus ou moins empirique[4].
Pour une feuille normale bien hydratée, les échanges gazeux se font pour l’essentiel à travers les stomates, qui représentent seulement environ 1 % de la surface de la feuille. Les tiges vertes contiennent aussi des stomates, mais en plus faible densité que les feuilles. L’intérieur des feuilles est constitué de cellules et d’espaces intercellulaires remplis d’air très humide en contact avec ces cellules. Le gradient d’humidité entre l’intérieur et l’extérieur de la feuille entraîne une diffusion de vapeur d’eau qu’on appelle transpiration. Il en résulte un léger dessèchement des cellules internes et par suite une diminution du potentiel hydrique foliaire, qui va entraîner la montée de sève brute et l’absorption racinaire, remplaçant ainsi l’eau perdue par transpiration. Le terme transpiration est utilisé ici dans un sens un peu différent du sens commun: quand nous transpirons, notre épiderme exsude de l’eau liquide salée (la sueur) qui est ensuite évaporée ; chez les plantes, l’évaporation a lieu à l’intérieur de la feuille, et l’eau traverse l’épiderme sous forme de vapeur. Mais dans les deux cas, il y a évaporation, un changement de phase de l’eau qui nécessite beaucoup d’énergie, environ 2450 joules par gramme d’eau évaporée, et c’est en général le soleil qui fournit l’essentiel de cette énergie.
Plus généralement, quels sont les facteurs affectant la transpiration ? Il y a bien sûr les facteurs physiques qui affectent l’évaporation d’une surface d’eau libre : le rayonnement solaire, la vitesse du vent, la température et l’humidité de l’air. Il y a aussi des facteurs propres à la feuille : la résistance stomatique rs et la résistance aérodynamique ra de la couche limite d’air entourant la feuille. Ces résistances s’opposent à la diffusion de vapeur d’eau, comme une résistance électrique s’oppose au passage d’un courant. La résistance stomatique dépend du nombre de stomates par unité de surface foliaire, et de la taille et de la géométrie de ces stomates (qui varient avec l’âge de la feuille). Elle est minimale pour une feuille adulte bien hydratée, et est relativement constante pour une espèce donnée dans les conditions naturelles. Elle augmente rapidement lorsque les stomates se ferment (manque d’eau). On peut la mesurer sur des feuilles intactes dans les conditions naturelles (fig. 2).
La couche limite est cette couche mince où la vitesse du vent passe d’une valeur nulle au contact avec la feuille, à sa valeur dans l’air libre (fig. 3).
On peut caractériser la couche limite par une résistance aérodynamique ra, proportionnelle à son épaisseur (qui dépend de la taille et de la forme de la feuille, de la vitesse du vent, et de la présence éventuelle de poils). On a en général ra<rs sauf pour des feuilles de grande taille (tournesol, bananier) pour lesquelles ra est comparable à rs lorsque les stomates sont bien ouverts. ra est calculé à partir des dimensions de la feuille et de la vitesse du vent[5]. Pour donner plus de détails, il nous faut définir les différentes expressions de l’humidité de l’air et parler du bilan énergétique de la feuille, qui dépend du rayonnement solaire absorbé et détermine sa température et sa transpiration.
Figure 2. Poromètre de terrain pour mesurer rs
Figure 3. Vitesse de vent sur une feuille de peuplier. L'épaisseur de la couche limite, de l'ordre du mm, augmente avec la distance au bord d'attaque (Grace, J. and J. Wilson (1976). "Boundary-Layer over a Populus Leaf." Journal of Experimental Botany 27(97): 231-241).
[1] Pour une feuille plane, on compte une seule face. Pour une aiguille de conifère ou un cylindre, on compte la moitié de la surface totale en contact avec l’air.
[2] Il est facile de construire un modèle représentant un demi-stomate : on colle un morceau de scotch sur une face d’un ballon de baudruche dégonflé. Lorsqu’on gonfle le ballon, il prend la forme d’un haricot, se creusant du côté du scotch. Les cellules de garde des stomates ont ainsi une paroi épaissie du côté de l’ouverture.
[3] La sécheresse de l’air est caractérisée par le déficit de saturation défini ci-dessous (Expressions de l'humidité de l'air)
[4] Voir Berry J, Collatz G, Denning A, Colello G, Fu W, Grivet C, Randall DA, Sellers PJ: SiB2, a model for simulation of biological processes within a climate model. Semin Ser - Soc Exp Biol 1997, 63:347-370.
[5]ra = 1.5*((l/(u*ν))0.5 avec l (m) dimension caractéristique de la feuille, u (m s-1) vitesse du vent et ν viscosité cinématique de l’air (~ 1,5.10-5m2s-1). ra est en s m-1.