Le lecteur pressé peut sauter les détails et aller directement à cette équation (10 ci-dessous).
On peut réécrire (6) sous une forme similaire à (5) :
λE = 2.(ρcp/ γ.ra).(es(Tf) - ea)/(rs/ ra + 1) (7)
En portant (5) et (6) dans (4), on obtient une équation implicite qui permet de calculer Tf. En pratique, on cherche à linéariser la fonction pression de vapeur saturante en écrivant :
es(Tf) - ea = es(Tf) - es(Ta) + es(Ta) – ea (8)
Soit s la dérivée d(es(T)/dT) pour T = Ta, on a es(Tf) - es(Ta) ~ s. (Tf – Ta), et par ailleurs es(Ta) – ea est le déficit de saturation de l’air δ, ce qui permet de réécrire (8) :
es(Tf) - ea =s. (Tf – Ta) + δ, soit en portant dans (7) :
λE = 2.(ρcp/ γ.ra).(s.(Tf – Ta) + δ)/(rs/ ra + 1) qui peut s’écrire d’après (4) :
λE = s.H/(γ.(rs/ ra + 1)) + ρcp. δ /( γ.ra. (rs/ ra + 1) (9)
Dans (9) on peut éliminer H en le remplaçant par Rn – λE grâce à (4) :
λE = s.( Rn – λE) /(γ.(rs/ ra + 1)) + ρcp. δ /( γ.ra. (rs/ ra + 1) soit en résolvant pour λE :
λE.(1+ s/(γ.(rs/ ra + 1)) = (s.Rn+ 2.(ρcp/ra). δ)/(γ.(rs/ ra + 1)) ou en multipliant par rs/ ra + 1
λE.(s+ γ.(rs/ ra + 1)) = s.Rn+ 2.(ρcp/ra). δ, soit finalement
λE = (s.Rn+ 2.(ρcp/ra). δ)/ (s+ γ.(rs/ ra + 1)) (10)
L’équation (10) est souvent appelée équation de Penman-Monteith du nom de ceux qui l’ont dérivée. Dans cette expression, les résistances ra et rs sont les résistances d'une face de la feuille, et on a supposé qu'elles étaient identiques pour ces deux faces, d'où le facteur 2 dans les équations (5) et (6). Il est intéressant de calculer λE et E pour quelques valeurs vraisemblables des variables externes (dépendant de la température), Rn (proche le jour du rayonnement absorbé et δ (déficit de saturation de l’air) et internes rs et ra. On trouvera ces calculs dans le Tableau 1, pour un papier buvard humide (rs= 0) et pour trois valeurs de la résistance stomatique correspondant à des stomates bien ouverts (rs= 60), mi-fermés (rs= 300) et bien fermés (rs= 1000). On voit que l’évaporation du buvard est plus élevée que son rayonnement net, entraînant une température inférieure à celle de l’air (de 4 °C). Dans le cas des feuilles, la transpiration diminue quand les stomates se ferment et la température, proche de celle de l’air quand les stomates sont bien ouverts, augmente, comme dans l’exemple du tableau, jusqu’à 8 °C au dessus de celle de l’air (prise ici à 25 °C) quand ils se ferment.
Tableau 1. Les principaux termes du bilan d’énergie d’une feuille et la différence de température entre sa surface et l’air (Tf - Ta), pour différentes valeurs de résistance stomatique rs. La valeur rs = 0 correspond au cas d’un buvard humide. Rn : rayonnement net, lE : flux de chaleur latente (évaporation de l’eau), H : flux de chaleur sensible.
|
unités |
différentes valeurs de rs : |
|||
Rn |
W/m |
379 |
379 |
379 |
379 |
rs |
s/m |
60 |
300 |
1000 |
|
lE |
W/m² |
546 |
358 |
150 |
56 |
H |
W/m² |
-168 |
21 |
229 |
323 |
Tf - Ta |
°C |
-4.19 |
0.53 |
5.71 |
8.08 |
Nous avons traité jusqu'ici le cas de feuilles ayant la même densité stomatique sur les deux faces, ce qui n'est que rarement le cas. Ainsi chez les arbres feuillus, on observe des stomates seulement sur la face inférieure de la feuille. L'équation (6) perd alors le facteur 2 et devient alors
λE = (ρcp/ γ). (es(Tf) - ea)/ (rs + ra) (6bis)
ce qui conduit à une forme différente de l'équation (10):
λE = (s.Rn+ 2.(ρcp/ra). δ)/ (s+ 2.γ.(rs/ ra + 1)) (10bis)
Dans certains cas, la feuille présente des densités stomatiques différentes (mais non nulles) sur les deux faces, et le même calcul s'applique avec des valeurs différentes de rs pour les deux faces. Soit rsi la résistance stomatique de la face inférieure et rss celle de la face supérieure. L'équation (6) devient alors
λE = (ρcp/ γ). (es(Tf) - ea).(1/(rsi+ ra)+1/(rss+ ra)) (6ter)
d'où une forme différente de l'équation (10) :
λE = (s.Rn+2.(ρcp/ra).δ)/(s+2.γ.(rsi/ra+1).( rss/ ra+1)/(rsi/ ra + rss/ ra+2)) (10ter)
L'équation (10ter) est la plus générale, et se réduit à (10) si rss= rsi, et à (10bis) lorsque rss devient infinie.
Pour pouvoir appliquer ces expressions de la transpiration, il faut connaître la résistance stomatique, soit en la mesurant, soit en l'estimant à partir d'une expression empirique. Plusieurs expressions ont été utilisées dans ce sens, et sont utiles lorsqu'on cherche à modéliser la transpiration et l'état hydrique de la plante (voir revue par Damour et al., 2010[12]). Celle de Jarvis (1976)[13] représente la conductance stomatique (inverse de la résistance) comme un produit de fonctions des variables externes (rayonnement, température, déficit de saturation de l'air, CO2), et du potentiel hydrique foliaire. Celle de Ball, Woodrow et Berry (1987[14]) relie la conductance stomatique à la photosynthèse foliaire, elle-même calculée à l'aide du modèle de Farquhar et al (1980).
[12] Damour G, Simonneau T, Cochard H et Urban L, 2010. An overview of models of stomatal conductance at the leaf level. Plant, Cell and Environment 33, 1419–1438.
[13] Jarvis PG (1976) The interpretation of the variations in leaf water potential and stomatal conductance found in canopies in the field. Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B 273, 593–610.
[14] Ball MC, Woodrow IE & Berry JA (1987) A model predicting stomatal conductance and its contribution to the control of photosynthesis under different environmental conditions. In Progress in Photosynthesis Research (ed J. Biggins), pp. 221–224. Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht, Netherlands.