Les cultures d’hiver présentent, en effet, sur le plan hydrique, l’avantage majeur par rapport aux cultures de printemps, d’avoir leur cycle végétatif en phase avec le cycle hydrique annuel dans les pays de climat tempéré. En effet, sous climat tempéré, océanique et méditerranéen, l’hiver correspond à la saison humide tandis que l’été correspond à la saison sèche. De façon très générale, les cultures d’hiver bouclent leur cycle avant d’être affectées par la sécheresse.
Par anticipation de la diapositive suivante, on dira qu’elles l’esquivent tandis que les cultures de printemps doivent y faire face.
C’est le problème majeur du maïs qui ne consomme pas plus d’eau qu’une autre espèce mais la consomme au moment où la ressource fait défaut. En effet, le maïs étant une plante d’origine tropicale, il ne peut être semé avant avril dans le sud et mai dans le nord. Sa période de floraison, moment de la plus grande sensibilité au stress hydrique a lieu en deuxième quinzaine de juillet, période où le blé est déjà récolté !
Par définition, l’esquive, terme emprunté à l’escrime, consiste à se soustraire à la sécheresse en jouant sur le temps tandis que l’évitement, que nous verrons après, joue sur l’espace. Pour une même espèce, les variétés précoces esquivent mieux la sécheresse que les variétés tardives.
La diapositive ci-dessus représente le confort hydrique (ETR/ETM) de deux variétés de blé cultivées en pluvial en plusieurs lieux de France. Ce confort a été estimé par le modèle PANORAMIX pour les trois périodes évoquées précédemment dans l’estimation du devenir des choses avec le changement climatique : Passé récent (1970-2000■), futur proche (2020-2050●) et futur lointain (2070-2100▲). La variété précoce « Soissons » présente un meilleur confort hydrique que la variété tardive « Arminda » pour tous les lieux et toutes les périodes
Si tout va bien sur le plan hydrique, la réduction du risque de sécheresse se paie cependant par une diminution du rendement potentiel, car finir son cycle plus tôt revient à le terminer avec moins de rayonnement intercepté. Le choix pour l’agriculteur consiste à assurer une production potentiellement moindre ou à oser une production potentiellement plus forte en prenant le risque que la sécheresse l’affecte.
Prenez en mieux conscience en comparant cette diapositive avec la suivante.
Prenez en mieux conscience en comparant cette diapositive avec la précédente.
L’esquive est génétique. L’évitement, qui consiste à diminuer les « puits » d’eau ou à augmenter les « sources », peut être génétique et agronomique.
– Diminuer les « puits » (d’eau évaporée), c’est diminuer la surface foliaire. C’est une pratique courante lors d’une plantation : on « rabat » le feuillage pour que les racines encore peu installées puissent faire face à la demande atmosphérique. La défoliation peut être spontanée en cas de sécheresse sur les pérennes. C’est une réaction saine de l’arbre qui donne la priorité à la survie par rapport à la production de l’année. On assiste alors à une chute précoce des feuilles bien avant l’automne. Les pratiques agronomiques peuvent conduire à l’évitement, soit par adaptation de la densité de semis ou de plantation aux capacités du milieu soit par la taille pratiquée sur les plantes pérennes. Bien entendu, l’évitement se paie, comme l’esquive, par une baisse de rendement potentiel ; toujours la même question : assurer la production à un niveau inférieur ou risquer de tout perdre en visant trop haut ! La diapositive suivante donnera un exemple extrême d’évitement agronomique.
– Augmenter les « sources », c’est augmenter la densité ou la profondeur atteinte par les racines. L’évitement peut être génétique. Ainsi le sorgho est-il mieux enraciné que le maïs ce qui, à coté de sa meilleure tolérance à la sécheresse (voir diapositive précédente), lui permet de passer plus facilement une période sèche et/ou, en cas de nécessité, de sauter un tour d’irrigation avec moins de préjudice. Le meilleur enracinement peut être lié à des pratiques et/ou à des situations géographiques (P. ex. sous solage en terrain argileux pour rompre la semelle de labour, drainage pour favoriser l’enracinement, compétition avec une annuelle en agroforesterie favorisant l’enracinement de la pérenne associée, moindre enracinement des plantes de thalweg augmentant leur vulnérabilité à une sécheresse exceptionnelle).
Voici un exemple extrême d’évitement agronomique : au fil des siècles, les paysans tunisiens ont adapté l’écartement des oliviers à la pluviométrie locale.
La pluviométrie annuelle décroissant régulièrement du nord au sud de la Tunisie, l’écartement des oliviers croît pour assurer à chaque arbre la quantité d’eau nécessaire à sa croissance et à la production d’olives. Cet écartement culmine à 24 m dans l’oliveraie de Sfax (aussi appelée « forêt ») comme on le voit sur la photo ci-dessus.
Reste ce que l’on nomme « tolérance » ou « résistance » à la sécheresse : dans ce cas, la plante ne trouve pas le moyen par esquive ou évitement de se procurer l’eau nécessaire pour assurer la demande atmosphérique mais elle peut supporter la privation d’eau sans que le résultat soit catastrophique pour la production ou la survie comme il peut l’être pour une plante « non tolérante ».
On cite classiquement l’exemple du sorgho qui peut supporter une sécheresse estivale alors que le maïs présente des déficits de production plus que proportionnels au déficit d’évapotranspiration si celui-ci a lieu au moment de la floraison (provoquant une forte diminution du nombre de grains).
Il est important à ce propos d’attirer l’attention sur la question souvent indiquée par les médias de découvertes sensationnelles permettant de réduire fortement la consommation en eau des plantes : il ne s’agit jusqu’à aujourd’hui que de résultats portant sur la survie et non pas sur la production car, en raison de l’échange « eau – carbone » vu en page 2 de la partie IV.1.1, toute baisse de consommation d’eau se paie par une baisse de production.