Il y a trois types de récolte de l’eau, selon qu’il s’agit d’eau atmosphérique, d’eau de surface ou d’eau souterraine :
1 – La première consiste à récupérer l’eau de brouillard ou l’eau de la rosée.
La récupération d’eau de brouillard s’effectue au moyen de filets sur lesquels se déposent les gouttelettes qui, s’agglomérant, s’écoulent ensuite vers des récipients. On en trouve un exemple dans le nord du Pérou, zone très aride mais bénéficiant d’un fort brouillard lié à la rencontre dans le Pacifique des eaux chaudes équatoriales avec les eaux froides du courant de Humbolt. La récupération d’eau de rosée s’effectue à partir des écoulements sur des toits bien isolés pendant des nuits de fort refroidissement radiatif. On en trouve des exemples en Corse et aux iles Canaries.
2 – Le second type correspond à la récupération d’eau de surface (eau de pluie et eau de crue). C’est sur ce type là, le plus important sur le plan agronomique, que se concentrera l’exposé.
3 – Le troisième type correspond à la récupération d’eau souterraine.
Il est agronomiquement intéressant et représentatif. Il peut s’agir de canaux horizontaux creusés à flanc de coteau et récupérant l’eau de nappes inclinées, de barrages souterrains ou de barrage aériens remplis de sable et stockant l’eau de crue. Nous ne le détaillerons pas car, une fois l’eau récoltée, elle est utilisée exactement comme s’il s’agissait d’eau d’irrigation. Nous renverrons donc, pour ce cas, au chapitre sur l’agriculture irriguée.
On pense que les techniques de récolte de l’eau sont nées en Mésopotamie il y a plus de 5000 ans. (Falkenmark et al. 2001).
La récolte de l’eau de pluie et de ruissellement se subdivise en deux sous-catégories liées à la taille du bassin de l’impluvium : micro-bassin ou macro-bassin :
- L’agriculture pluviale en aridoculture peut exister en micro-bassin pour des pluviométries aussi basses que 150 mm/an !
- L’agriculture en macro-bassin nécessite, elle, des pluviométries d’au moins 300mm/an.
Le regain d’intérêt assez récent pour les techniques d’aridoculture est lié d’une part à la faillite de grands projets de transformation de l’agriculture ayant conduit à des conséquences agronomiques et environnementales graves (pouvant aller jusqu’à la stérilisation de terres) et à une augmentation des besoins alimentaires résultant de l’explosion démographique dans certaines zones du globe.
La figure ci-dessus présente une liste de cultures conduites en aridoculture. On voit que la panoplie est large et comprend aussi bien des annuelles que des plantes pérennes.
La récolte d’eau de pluie et de ruissellement diffère selon qu’il s’agit de micro-bassins ou de macro-bassins. La taille n’est pas la seule différence entre micro et macro-bassins:
• Dans les micro-bassins, on utilise l’eau de pluie quasiment sur place puisque chaque « plot » cultivé bénéficie de l’eau de la zone non-cultivée qui le jouxte immédiatement. Dans le macro-bassin, on laisse la partie amont du bassin inculte de manière à favoriser le ruissellement en faveur de la partie aval, la partie basse que l’on nivelle avec soin et qui est cultivée.
• Le rapport entre surface cultivée et surface totale est plus élevé en micro-bassin ( de 0,3 à 0,5) qu’en macro-bassin ( de 0,1 à 0,3).
L’eau de ruissellement est, dans chaque cas stockée dans le sol de la partie cultivée (qui doit donc avoir une bonne capacité d’infiltration), l’objectif étant de ne pas laisser s’écouler de l’eau en aval du bassin.
Ces systèmes sont répandus à travers le monde et portent des noms très divers. Commençons par les microbassins que l’on peut diviser en trois catégories:
- Les trous où les plantes poussent en poquets, comme les zaï et les tassa
- Les buttes épousant les courbes de niveaux comme les Fanya Juu
- Les petits bassins fermés légèrement inclinés comme les negarim
Le Zaï, un modèle d’ingénierie écologique, est une pratique traditionnelle qui consiste à creuser, avec une pioche ou une houe, des trous de 20 à 40 cm de diamètre et de 10 à 15 cm de profondeur. Ces trous recueillent l’eau qui ruisselle lors des pluies.
On verse une poignée de fumier ou de compost dans le trou. Cette matière organique attire les termites qui, une fois installés, creusent des galeries dans le sol, améliorant ainsi la capacité d’infiltration de celui-ci.
Les « Zaï » sont particulièrement utiles à mettre en œuvre sur les sols dégradés sur lesquels une croute imperméable empêche l’eau de s’infiltrer.
Cette situation est illustrée par la figure ci-dessus qui montre le paysage dénudé avant la mise en place des « zaï ».
Voici un exemple d’amélioration de la distribution racinaire sur le melon d’eau, obtenue, sur un sol sahélien, grâce au mode de culture « zaï », par comparaison au labour traditionnel.
L’amélioration est principalement visible dans la zone 30-50cm et permet un accroissement notoire du volume d’eau accessible aux plantes.
Les cultures en demi-lunes fonctionnent sur le même principe que les Zaï.
Ce qui diffère, c’est l’échelle : leur taille est plus grande et elles contiennent chacune plus de plantes.
Le second type de micro-bassin correspond aux buttes en courbes de niveau, terrasses légèrement en pente appelées « contour ridges » en anglais. Ces buttes sont espacées de 5 à 20 m avec une zone cultivée de 1 à 2 m en amont de la butte.
On y cultive des fourrages, des arbustes, du sorgho, du mil, des pois,…
.La photo présente un ensemble de buttes en courbes de niveau de la station expérimentale de l’ICARDA à Tel Haya dans le nord de la Syrie.
Les terrasses d’Afrique de l’est, appelées « Fanya Juu », sont un autre exemple de ce type d’aménagement.
L’intérêt principal de ce type de terrasse résulte du gain en terre arable qu’il procure, à la longue, à la partie cultivée. Ce gain provient de l’érosion due au ruissellement sur la partie non cultivée, indispensable pour fournir de l’eau à la partie cultivée.
Un troisième type de micro-bassin correspond à des bassins fermés tels que les « Negarim ».
La figure en présente un exemple à la même station expérimentale de l’ICARDA.
L’arbre cultivé est situé au point le plus bas du micro-bassin, la diagonale du quadrilatère, souvent un losange, correspondant à la ligne de plus grande pente du terrain, comme l’indique la flèche en tirets.
La zone d’infiltration, avec ou sans aménagement approprié, correspond ainsi à la zone d’implantation du système racinaire de l’arbre.
Le sol doit être suffisamment profond pour stocker l’eau nécessaire pour toute la saison sèche.
Outre la taille, le macro-bassin diffère du micro-bassin par la séparation franche entre une zone amont en sol nu, dédiée à la collecte d’eau de pluie, et une zone aval nivelée dédiée à la culture.
Un macro-bassin « Tabia » est constitué de deux parties :
- Une zone dédiée au ruissellement, notée « impluvium » sur le schéma.
- Une zone dédiée à la culture immédiatement en amont de buttes de terres, appelées « tabias ». Cette zone est la zone cible pour l’accumulation d’eau de ruissellement provenant de l’impluvium.
Le système de bassins, associant «Meskat» et «Mankaa» en Tunisie, est un cas typique de macro-bassins.
Les « Meskat-Mankaa » sont aménagés sur des pentes légères, de 2% à 15%, et sur des sols de type limono-sableux d’une profondeur de 1 mètre ou plus. L’eau ruisselle sur la partie « Meskat » qui fournit ainsi l’eau nécessaire à la culture sur la partie « Mankaa ».
Voici un exemple de « Meskat-Mankaa » sur lequel on a installé une oliveraie.
Les oliviers sont particulièrement bien adaptés aux conditions d’aridité. D’après Ben Mechlia & Ouessar (2004) :
« L’olivier offre une grande résistance à la sècheresse ; son cycle biologique se réalise sur deux ans ; une pluie peut avoir pour conséquence une croissance racinaire quel que soit le stade phénologique ; de plus, les jeunes bourgeons ont la possibilité de devenir soit floraux, soit végétatifs, en fonction des conditions hydriques. »
Abordons à présent la deuxième façon de récolter l’eau de pluie qui consiste à utiliser l’eau de crue de l’oued au cours d’épisodes orageux. On appelle parfois cette technique : « irrigation de crue ».
Cette irrigation de crue concerne près de 14000 km² au Pakistan (soit l’équivalant de toute la surface irriguée en France), 3000 km² au Maghreb et 3000 km² dans les autres pays d’Afrique et d’Asie. L’eau de crue d’un oued peut être utilisée :
- Soit en la stockant dans une structure de type lac de barrage.
- Soit en l’amenant à stagner suffisamment dans le lit de l’oued de telle sorte qu’une partie conséquente puisse s’infiltrer (c’est le cas des « Jessours » que nous verrons plus loin ou des barrages souterrains).
- Soit en déviant le flot vers des structures aménagées à cet effet appelées « Mgouds » en Tunisie et « sailabas » au Pakistan.
Nous ne traiterons pas du premier cas qui conduit à pratiquer une irrigation classique à partir de l’eau recueillie.
Dans ce cas le rapport de surface entre impluvium et zone cultivée est supérieur à 10.
Schéma d’un oued aménagé, appelé « Jessour » en Tunisie. Les murs des Tabias sont faits de terre et de pierres.Après la construction, les sédiments transportés par l’eau de ruissellement se déposent derrière le barrage (Tabia) et, s’accumulent petit à petit au fil des épisodes pluvieux, créant un nouveau terrain agricole sur lequel on plantera ce que l’on nomme Jessour.
Un exemple de « Jessour » parmi les quelques 35 000 qui existent dans le sud tunisien.
Chaque épisode pluvieux y amène eau et sédiments mais nécessite aussi une maintenance conséquente car le barrage (appelé tabia) subit les conséquences du débordement des eaux. On y produit des olives, des figues, des amandes, des dattes, des légumes et des céréales.
Généralement, un oued comporte une série de « jessours ». Ce sont les arbres des jessours successifs qui matérialisent l’oued vu depuis un avion.
En plus de la production agricole, les jessours assurent trois fonctions supplémentaires :
- Recharge de la nappe
- Contrôle ou, au moins, réduction, du débit lors des épisodes de crues
- Diminution de l’érosion éolienne.
Le second mode de récolte de l’eau du courant de l’oued en épisode de pluie consiste à détourner une partie du flot vers des zones aménagées à cet effet*.
On appelle ces systèmes des « Mgoud » en Tunisie et des « Sailaba » au Pakistan ».
La zone cultivable est sur terrain plat ou terrassée. Le rapport entre surface d’impluvium et surface cultivée est compris entre 100 et 1000. Pour mémoire, il était inférieur à 3 dans les micro-bassins (ex : zaï, terrasses), inférieur à 10 dans les macro-bassins (ex: meskat) et compris entre 10 et 100 dans les systèmes utilisant le fond de l’oued aménagé (ex: jessour)
* L’irrigation des prairies à partir de biefs (béals) en Europe correspond un peu à cette catégorie. La différence principale provient de l’intermittence de l’oued.
Précisons tout d’abord que la plupart des matériaux utilisés pour la réalisation de systèmes de cueillette de l’eau (roche, terre,….) sont d’extraction locale. Ceci amène à des coûts modestes, compatibles avec les moyens à investir dans une agriculture vivrière.
La performance des systèmes est de deux types : hydraulique et agronomique.
En ce qui concerne la performance hydrologique, on peut distinguer trois points :
- Tout d’abord, on obtient un accroissement conséquent de la quantité d’eau stockée dans le sol. Cela parait naturel, c’est pour cela qu’on les construit !
- Dans le même temps, ces systèmes réduisent la quantité d’eau ruisselant vers l’extérieur. Il en résulte une réduction conséquente des risques de crue.
- Enfin, ces systèmes réduisent la quantité de matière transportée vers l’extérieur et sont, de ce fait, les acteurs principaux de la création des sols à caractère agronomique sur lesquels on pratiquera les cultures.
Voici un exemple, au Zimbabwe, d’amélioration de l’humidité du sol avec différents systèmes de cueillette de l’eau par comparaison au labour traditionnel.
On peut constater que les terrasses (y.c. les « fanya juus) sont très efficaces.
De plus, les systèmes de cueillette de l’eau rechargent collectivement les aquifères ce qui provoque une remontée de la nappe et facilite l’extraction dans les puits.
Voici un exemple d’effets antiérosion de différentes techniques de cueillette de l’eau en Ethiopie.
L’efficacité est obtenue en comparant le ruissellement et les pertes en sol.
Par comparaison avec le témoin, on peut voir que, non seulement on obtient une réduction du ruissellement, mais aussi, que pour une même réduction du ruissellement, il y a une perte de sol inférieure.
Le second type de performance résulte du premier : accroitre l’humidité du sol en situation d’aridité a pour objectif principal d’accroître la productivité.
Cet objectif est atteint non seulement parce que, dans les mêmes conditions climatiques, une meilleure humidité du sol permet une meilleure ouverture stomatique, mais aussi pour deux autres raisons :
- D’une part, l’augmentation de l’humidité du sol conduit à un accroissement de fertilité dû au développement de l’activité microbienne.
- D’autre part, cette augmentation d’humidité permet un allongement de la durée de végétation.
Enfin, en conditions extrêmes, les techniques de cueillette de l’eau permettent un meilleur pourcentage de survie des plantes pérennes.
Cette figure présente une comparaison des rendements en blé obtenus au moyen des mêmes techniques que celles pour lesquelles la figure présente les humidités du sol.
Pour le blé, dans les conditions pédoclimatiques du Zimbabwe, on obtient, avec les techniques de cueillette de l’eau, grosso modo, des rendements deux fois supérieurs à ceux que permettent les labours traditionnels !
L’allongement de la période de végétation peut être observé en fin de cycle phénologique parce qu’il reste davantage d’eau dans le sol.
Il peut également l’être au début, comme l’illustre cette simulation sur quinoa en Bolivie, obtenue grâce au modèle de cultures Stics. L’intervalle semis-levée est considérablement raccourci avec des semis en poquets qui s’apparentent à la technique du Zaî déjà évoquée. Le temps gagné avec la technique des poquets par comparaison au semis en ligne permettra aux racines de croître suffisamment vite pour suivre le front de desséchement. Ceci aura pour conséquence une augmentation du taux de survie.
Ce tableau présente une comparaison du taux de survie de buissons dans la steppe de Mehasseh en Syrie, selon qu’il sont ou non plantés dans des microbasssins. La pluviométrie moyenne y est voisine de 100 mm/an. Tandis qu’en dehors des micro-bassins le taux de survie est de 10%, il dépasse 90% dans les différents micro-bassins testés !
Il est possible d’apporter des améliorations aux techniques de cueillette de l’eau. Une première amélioration peut résulter de la mécanisation de la réalisation des ouvrages. C’est ce que montre la figure ci-dessus où l’on voit que le rendement du sorgho sur zaï, double de celui obtenu par scarifiage, peut-être accru en réalisant les zaï avec une charrue : on peut en effet obtenir des « trous » en croisant des sillons perpendiculaires. Ce travail peut être réalisé par la traction de la charrue opérée par un animal de trait.
La mécanisation a le double avantage de réduire le travail manuel de l’homme et d’accroître le rendement.
Une amélioration conséquente des techniques de cueillette de l’eau peut être obtenue en installant des tuyaux poreux verticaux dans la zone d’accumulation de l’eau de ruissellement. Ceci permet d’augmenter :
• la quantité d’eau stockée dans le sol et, en conséquence,
• la durée de la période de prélèvement d’eau par les plantes.
On peut voir sur la figure le position du tuyau (noté : insert) dans un losange « negarim » avec un profil de l’installation au bas de la figure.
La pénurie globale d’eau de pluie conduit souvent à une compétition pour l’utilisation de l’eau entre les agriculteurs de la zone amont du bassin versant et ceux de la zone avale et/ou les autres types de résidents. Ceci peut conduire à des conflits. Une association d’usagers de l’eau peut fournir un cadre de débats.
Passons maintenant au chapitre 2, c’est-à-dire non plus comme auparavant en utilisant pour un espace réduit cultivé l’eau tombée sur une surface plus grande que cette surface cultivée, mais en augmentant par des techniques appropriées, le rendement de la pluie. En effet, une partie de la pluie ruisselle ou s’évapore directement de la surface du sol. Cette partie ne bénéficie pas à la plante. Seule l’eau que la plante puise par ses racines permet une production. Il s’agit donc d’augmenter le pourcentage d’eau transpirée. Cette augmentation du pourcentage d’eau de pluie disponible pour les plantes est un des objectifs* de ce que l’on appelle « agriculture de conservation ». Il peut être atteint en :
- augmentant le rapport infiltration/ruissellement
- en diminuant le % d’évaporation directe dans l’ensemble de l’évapotranspiration.
On y parvient grâce à la couverture du sol par des résidus organiques (apportés ou résultant des résidus de récolte).
*(en plus de la prévention de l’érosion et de la dégradation des sols ou de la préservation/ amélioration de la fertilité des sols)
Comparaison du ruissellement observé, dans des conditions topographiques identiques, dans la région des « cerrados » au nord-est du Brésil, selon que l’on pratique un labour traditionnel (●) ou que l’on cultive en semis direct sur des résidus de mil (ο).
Pour une pluie annuelle totale de 843 mm, Macean Da Silva et al. observent un ruissellement annuel de 45 mm sur résidus alors que le ruissellement est de 222 mm sur un champ labouré, c.à.d. 4 fois plus élevé.
Les résidus de culture ont donc une fonction nette de réduction du ruissellement.
Dans sa thèse présentée en 2001, Findelling a effectué une comparaison des différents éléments du bilan hydrique (page suivante) sur une combinaison de systèmes de production du maïs au Mexique : labour traditionnel, semis direct sans résidus et semis direct avec résidus de récolte.
Les résultats obtenus avec les différents systèmes sont présentés sur la figure ci-dessus.
Il n’y a pas de différence significative entre le labour traditionnel et le semis direct sans résidus. (Cf. les deux graphiques de la partie supérieure de la figure).
Les différences de comportement sont imputables à la présence/absence de résidus (Cf. les deux graphiques de la partie inférieure de la figure).
En effet, même avec une quantité relativement faible de résidus, le système SD1,5 (1,5 T/ha de résidus de récolte) présente des résultats significativement différents des précédents : le ruissellement (en bleu) tombe de plus de 40% dans les deux premiers cas à moins de 15%. Le stockage d’eau dans le sol (en jaune) passe de moins de 10% à plus de 20%.
Les résultats sont encore plus spectaculaires avec de plus fortes valeurs de résidus de récolte : dans l’essai avec 4,5 T/ha, le pourcentage d’eau de pluie transpirée (en vert) monte à 43% alors qu’il n’était que de 17% avec le labour et de 23% en semis direct sans résidus.
La comparaison entre différents modes de conduite du sorgho au Burkina Faso, est faite sous deux angles : la croissance en hauteur et le rendement final.
La croissance en hauteur est plus lente au départ sur les techniques alternatives au labour mais est nettement supérieure en fin de cycle pour la culture avec mulch et les demi-lunes.
Concernant le rendement final, ce sont les modes de conduites d’aridoculture qui donnent les meilleurs résultats ! Le système, appelé « mulch » qui correspond au cas vu précédemment avec résidu de récolte fait presque jeu égal avec les demi-lunes que nous avions évoquées dans le chapitre sur la cueillette de l’eau.
Comme précédemment pour ce qui concernait le bilan hydrique, le semis direct en lui-même n’est pas la panacée. Sans résidus de récolte, son rendement est même nettement inférieur à celui du labour traditionnel.
La troisième partie de ce chapitre est dédiée à l’ajustement de la demande à l’offre en eau. C’est la démarche inverse de celle qui consiste à ajuster l’offre à la demande en irriguant. Il s’agit ici de cultiver de telle sorte que les cultures en place ne demandent pas plus d’eau que ne peut leur en offrir le milieu.
Il y a trois façons d’y parvenir :
• Esquiver la sècheresse est d’un grand intérêt lorsque la saison sèche correspond à la saison chaude comme c’est le cas sous climat méditerranéen où la saison froide est aussi la saison pluvieuse. Ceci étant, cette pratique n’a pas d’intérêt dans les régions arides où il n’y a pas de saison froide marquée et où c’est le seul régime hydrique qui marque les saisons.
• Eviter la sècheresse, soit par réduction des surfaces foliaires (densité de plantation et/ou taille), soit par augmentation de l’eau disponible pour les racines au moyen de l’agroforesterie (« intercropping »). La diapositive suivante illustrera cet « évitement ».
• La tolérance à la sècheresse est hors du cadre de notre exposé et nécessiterait à elle seule tout un exposé pour voir comment la question est abordée par les généticiens et les biologistes végétaux qui cherchent à améliorer le fonctionnement hydrique d’espèces d’intérêt. De même le fonctionnement particulier des crassulacées (les C.A.M. chez les Anglo-saxons, dont la plus connue du grand public est le cactus) nécessiterait un développement propre.
L’exemple le plus frappant de l’ajustement par la densité à la pluviométrie annuelle correspond à ce que l’on observe dans les oliveraies de la côte est de la Tunisie. En effet, en descendant du nord vers le sud le long de cette côte, on passe d’une pluviométrie de l’ordre de 500 mm par an au nord de Tunis, à 380 mm/an à hauteur de Sousse pour descendre jusqu’à 250 mm au niveau de Sfax. Dans le même temps, l’écartement moyen entre oliviers au sein des oliveraies passe de 8 m au Nord, à 12 m à Sousse et à 24 m dans l’oliveraie de Sfax que l’on peut voir ci-dessus sur la photo.
Il serait intéressant de posséder des données sur l’évolution de la surface foliaire pour voir si celle-ci est proportionnelle à la pluviométrie.
La photographie permet toutefois à elle seule de se rendre compte que chaque arbre qui pousse sans aucune irrigation dans de telles conditions d’aridité, exploite par ses racines une surface très conséquente (environ 600m2) et peut donc bénéficier de 150 litres d’eau (600 x 0,250), à condition que les façons superficielles pratiquées 2 à 3 jours après chaque pluie, empêchent les adventices de consommer une part importante de cette eau.
Il est intéressant de remarquer que ce que l’homme a réalisé au fil du temps pour s’adapter aux conditions du milieu a une parenté avec ce que la nature réalise progressivement.
Ainsi observe-t-on, dans la Dehesa, vaste système agroforestier prés de Séville en Espagne, que la densité de chêne varie en fonction de la pluviométrie annuelle. C’est le taux de survie, directement relié à la pluviométrie qui la détermine. La figure ci-dessus donne la distribution des densité à l’hectare, observée par classe de pluviométrie.
En dessous de 500 mm/ha, le pic de densité est voisin de 5 à 10 arbres/ha, tandis qu’il est proche de 20 de 550 mm à 650 mm et atteint 40 arbres/ha au dessus de 750 mm.
L’équilibre écologique correspondant au fonctionnement optimal est ici dicté par un facteur hydrologique.
Etudions à présent l’intérêt, sur le plan hydrique, des cultures associées.
La figure ci-dessus présente l’évolution sur 4 semaines après les pluies, de la teneur en eau du sol sous deux systèmes à L’ICRAF au Kenya.
L’expérimentation comportait deux systèmes de production d’arbres (G. Robusta), l’un en verger classique avec des arbres espacés de 3 mètres sur la ligne et les lignes séparées de 4 mètres, l’autre avec des arbres dans la même configuration mais avec 3 rangées intercalaires de maïs espacés de 30 cm sur chaque rangée.
Jackson et al. concluent que le système agro-forestier permet une meilleure exploitation du sol en profondeur, la compétition pour l’eau entre le maïs et les arbres dans les couches supérieures conduisant ces derniers à exploiter davantage les couches inférieures en y développant leur système racinaire.
La conclusion de Jackson et al. est confirmée par les mesures effectuées par Mulia & Dupraz.
En conditions méditerranéennes dans le sud de la France, lorsque des noyers sont conduits en association avec du blé, la proportion de racines exploitant les horizons inférieurs (en dessous de 1m) est notoirement supérieure à celle des mêmes noyers conduits en verger !
La figure qui le met en évidence (à droite) est pédagogiquement complétée par un schéma (à gauche) : le blé, exploitant année après année les horizons supérieurs, amène la plante pérenne à développer ses racines dans les horizons inférieurs.
Cette complémentarité spatiale pour les ressources en eau permet au noyer de faire face plus facilement à d’éventuelles sècheresses estivales.
Ce système est fort judicieux pour les zones à climat sec sans être aride et occasionnellement soumises à des sècheresses. Il reste à démontrer son intérêt pour des régions véritablement arides.
Cette figure permet de comparer la situation récente avec les projections moyennes de plusieurs modèles climatologiques un siècle plus tard, dans un scénario socio-économique modéré (A1B) conduisant à un changement climatique intermédiaire, moins accusé que si les rejets de CO2 continuent au rythme actuel.
Pour ramener à des unités plus familières , une baisse de 1mm/j correspond à une baisse de pluviométrie de 90 mm en été.
On sera encore loin d’un climat aride mais la méditerranéisation du climat progressera !
Les zones du territoire ne bénéficiant pas d’apport d’eau exogène au bassin versant ou ne disposant pas d’aquifères importants devront alors s’interroger sur l’adéquation de systèmes de culture actuels avec la disponibilité de la ressource en eau et, certainement, promouvoir des formes différentes d’agriculture. On sera encore loin de la première partie dédiée à la collecte de l’eau de pluie mais on se rapprochera de certaines techniques d’agriculture de conservation ou d’évitement de la sècheresse telles qu’elles ont été développées dans les deux dernières parties.
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