La culture hors sol est devenue un système de production important. Son essor au cours des dernières décennies tient en grande partie aux progrès accomplis dans la qualité des substrats, en particulier la disponibilité en eau et l’aération. Des substrats très divers sont aujourd’hui utilisés : tourbes, résidus de l’industrie du bois (copeaux, sciures, écorces de pins compostées,...) écorces de pin compostées, laines minérales, différents déchets organiques, etc. Les propriétés physico-chimiques de ces différents substrats, en particulier leurs caractéristiques hydriques, sont très différentes de celles des sols naturels (Lemaire et al., 1981) :
- par rapport au volume total du substrat en place, celui de la phase solide est faible (5 à 25%), et celui de la phase gazeuse très élevé (75-95%). Les substrats horticoles ont donc une très forte porosité et peuvent donc retenir beaucoup d’eau
- la plus grande partie de l’eau qu’ils contiennent se situe à des potentiels élevés (c’est-à-dire peu négatifs) par rapport à ceux d’un sol en place : au dessus de - 2 kPa (pF = 1,3). Autrement dit presque toute l’eau contenue dans les substrats horticoles est, par rapport à celle des sols agricoles, de l’eau gravitaire, facilement utilisable par les plantes puisqu’à des potentiels hydriques très peu négatifs. Il en est ainsi du fait que la porosité de ces sols artificiels est essentiellement une macroporosité.
- certains substrats très appréciés comme les tourbes, les composts d’écorce, acquièrent un caractère hydrophobe lors de leur dessiccation ce qui est un inconvénient pour les plantes. En effet en condition de forte évaporation ces substrats peuvent se dessécher sur une certaine profondeur d’une façon telle qu’ils ne se réhydrateront que très difficilement.
Pour des cultures en pot, la notion de capacité au champ est remplacée par celle de « capacité en bac » (White, 1964). La capacité en bac est une caractéristique du matériau dans son contenant ; elle dépend certes du substrat ainsi que des dimensions du bac de culture. Pour les cultures en pot on ne parle pas de réserve utile mais de disponibilité en eau. Celle-ci est définie comme la quantité d’eau retenue par un substrat libérable entre les deux valeurs de potentiel suivantes (Lemaire et al., 2003) : -1kPa (pF = 1) qui correspond à une humidité proche de la capacité en bac ; -10kPa (pF= 2) qui correspond à une valeur d’humidité inférieure variable comme dans le cas des sols, avec les substrats. Cette valeur est retenue par les praticiens pour déclencher l’irrigation (à ces valeurs très hautes on peut mesurer et suivre le potentiel hydrique du substrat avec des tensiomètres.
La figure 28 donne des exemples de courbes potentiel-humidité pour différents types de substrats. L’humidité volumique décroît très vite pour certains substrats (sable, laine de roche, écorce grossière) contrairement à la tourbe noire en particulier.
Les valeurs de la conductivité hydraulique Kh des sols horticoles à saturation dépassent de beaucoup celles de la majorité des sols cultivés : elles sont de l’ordre de plusieurs dizaines de cm par heure. Il est plus souvent fait référence à une vitesse de ressuyage plutôt qu’à Kh. Ce choix permet une meilleure appréciation des risques d’asphyxie, liés à un ressuyage trop lent.
Figure 28. Exemples de courbes « humidité volumique-potentiel hydrique » pour différents substrats utilisés en horticulture.
L’utilisation de polymères organiques de synthèse, rétenteurs d’eau ou hydrorétenteurs est un moyen d’accroître le volume d’eau que peut retenir un substrat. Mis en présence d’eau libre, ils peuvent absorber jusqu’à plusieurs centaines de fois leur poids sec. Ce pouvoir de rétention est cependant fonction de plusieurs facteurs physico-chimiques (Ricard et Pierre, 1985, Wang et Gregg, 1990), en particulier leur environnement ionique. Ces hydrorétenteurs n’améliorent leur rétention pour l’eau que si les substrats dans lesquels ils sont incorporés sont très aérés (ex : tourbes, écorces broyées grossières, fibres de bois). Dans tous les cas, ils permettent de constituer une réserve d’eau utile à des potentiels plus bas (plus négatifs) que ceux du substrat sans rétenteurs et donc d’accroître cette réserve. Ces produits ou d’autres analogues sont aussi utilisés pour tenter d’améliorer la réserve utile des sols en place. La connaissance de la courbe humidité-potentiel hydrique de ces matériaux, rarement (ou jamais) donnée est pourtant une donnée essentielle à leur utilisation.
BIBLIOGRAHIE
Bigorre F (2000) Influence de la pédogenèse et de l’usage des sols sur leurs propriétés physiques. Mécanismes d’évolution et éléments de prévision. Thèse de doctorat : Université Henri Poincaré Nancy I (France).
Bigorre F, Tessier D, Pedro G (2000) Contribution des argiles et des matières organiques à la rétention de l’eau dans les sols. Signification et rôle fondamental de la capacité d’échange en cations. C.R. Acad. Sci. Paris, 330:245-250
Brady NC, Weil, RR (1999) The nature and properties of soils Prentice-Hall Inc. Upper Saddle River, New Jersey.
Braund A, Tessier D (2000) Water retention properties of the clay in soils developed on clayey sediments: significance of parent material and soil history. European Journal of Soil Science, 51 679-688
Briggs LJ, Shantz HL (1911) A wax seal method for determining the lower limit of available soil moisture. Bot.Gaz. 51, 210-219.
Briggs LJ, Shantz HL (1912) The relative wilting coefficient for different plants. Bot. Gaz, 53, 229-235.
Bruand A (1985) Contribution a l'étude de la dynamique de l'organisation de matériaux gonflants : application à un matériau provenant d'un sol argilo-limoneux de l'Auxerrois. Thèse de doctorat.
Bruand A, Prost R (1987) Effects of water content on the fabric of a soil material : an experimental approach. Journal of Soil Science, 38, 461-472.
Bruand A, Tessier D (2000) Water retention properties of the clay in soils developed on clayey sediments: significance of parent material and soil history. European Journal of Soil Science, 51, 679-688
Callot G, Chamayou H, Maertens C, Salsac L (1982) Mieux comprendre les interactions sol-racine incidence sur la nutrition minérale. Inra, 325 p
Calvet R (2003) Le sol propriété et fonction-Tome 2 (Vol. 2). France Agricole Editions.
Daudet FA, Valancogne C (1976) Mesure des flux profonds de drainage ou de remontées capillaires. Leur importance dans le bilan hydrique. Ann. Agron., 27, 2, 165-182
Chiaverini J, Gras R (1977) Comparaison de quelques méthodes d'évaluation au laboratoire de la capacité au champ. Annales Agronomiques, 28 (4), 445-461.
Dejou J, Morizet J (1996) Introduction à la science du sol. Station d’Agronomie, INRA Clermont-Ferrand, 98p.
Demolon A (1952). Dynamique du sol (Vol. 74, No. 2, p. 173). LWW.
Faure A (1978) Comportement des sols au compactage: rôle de l’argile et conséquences sur l’arrangement des grains. Thèse Univ. Scientifique et Médicale de Grenoble, 137 p.
Favrot JC, Bouzigues B, Tessier D, Valles V (1992) Contrasting structures in the subsoil of the boulbènes of the Garonne basin, France, Geoderma, 53, 125-137
Granier A, Bréda N, Biron P, Villette S (1999) A lumped water balance model to evaluate duration and intensity of drought constraints in forest stands. Ecological Modelling, 116: 269-283.
Hartmann C, Tessier D, Pedro G (1994) - Changes in sandy oxisols microfabrics after mechanical uprooting of an oil palm plantation. Developments in Soil Science, 22, 687-695.
Hartmann C, Tessier D, Wilding LP (1992) Use of both transmitted light and U.V. reflectance as a technique for studying thin sections. Example of a sandy soil. Soil Science Society of America Journal. 56, 1867-1870
Itier B, Brisson N, Doussan C, Tournebize R (1996) Bilan hydrique et agrométéorologie. In « Actes de l’Ecole Chercheurs Inra en Bioclimatologie ». Tome 2 : Du couvert végétal à la région » Le Croisic 25-29 mars 1996, p. 383-397
Jamagne M (1973) Contribution à l’étude des formations lœssiques du Nord de la France. Thèse à la Faculté des Sciences Agronomiques de l’Etat (Gembloux), Belgique, 445 p.
Kirkham MB (2005) Field capacity, wilting point, available water, and the non-limiting water range. Principles of soil and plant water relations, 101-115.
Lambert JR, Penning de Vries FWR (1973) Dynamics of Water in the soil-Plant-Atmosphere System : a model named Troïka. Ecol. Studies. Physical aspects of Soil water and salts in ecosystems. 1973, 4, 257-273.
Lemaire F, Dartigues A, Rivière LM (1981) Les substrats : problèmes particuliers posés par les cultures de plantes ornementales en pots et conteneurs. In « Les relations entre les systèmes racinaires des végétaux et les sols ou les substrats artificiels ». CR des séminaires du Groupe d’étude des racines. Tome 8. Edité par Gagnaire-Michard J. et Riedacker A., p 55-71.
Lozet J, Mathieu C (1986) Dictionnaire de science du sol. Lavoisier.
Marshall TJ, Holmes JW, Rose CW (1996) Soil physics. Cambridge university press.
Marty JR (1969) Les boulbènes. Caractères et propriétés physiques. Conséquences agronomiques. INRA, Toulouse, 135 p.
Michel JC, Beaumont A, Tessier D (2000) A laboratory method for measuring the isotropic character of soil swelling, European Journal of Soil Science, 51, 689±697
Musy A, Soutter M (1991) Physique du sol. Collection « Gérer l’Environnement » n°6, Presses Polytechniques et Universitaires romandes, 335p.
Quentin C, Bigorre F, Granier A, Bréda N, Tessier D (2001). Etude des sols de la forêt de Hesse (Lorraine) Contribution à l’étude du bilan hydrique. Etude et Gestion des sols, 8, 279-292.
Ricard A, Pierre M (1985) Les hydrorétenteurs : du laboratoire à l’industrie. L’actualité chimique, 21-25.
Richard LA, Wadleigh CH (1952) Soil water and Plant growth. In “Soil Physical conditions and Plant Growth”, Shaw B.T. ed., Academic Press, 73-251.
Ruellan A, Dosso M (1994) Regard sur le sol. Universités Francophones. Foucher –AUPELF. 192p
Sachs J (1859) Physiologische Untersuchungen über die Keimung der Schminkbohne (Phaseolus multiflorus). Aus der Kais. Kön. Hof-und Staatsdruckerei.
Sadras VO, Milroy SP (1996) Soil-water thresholds for the responses of leaf expansion and gas exchange: A review. Field Crops Research, 47:253-266.
Schofield RK (1935) The pF of the water in soil. Transactions of the third International Congress of Soil Science, Oxford (U.K.) Vol II, p 37-48
Stengel P (1979) Utilisation de l'analyse des systèmes de porosité pour la caractérisation de l'état physique du sol in situ.
Stengel P (1990) Caractérisation de l’état structural d’un sol. Objectifs et méthodes. In « La structure du sol et son évolution ». Ed Inra, Les colloques de l’Inra n° 53, p 15-36
Tavares-Filho J, Tessier D (1998) Influence des pratiques culturales sur le comportement et les propriétés de sols du Paraná (Brésil). Etude et Gestion des Sols, 5,1 :61-71
Tessier D (1984) Etude expérimentale de l'organisation des matériaux argileux. Hydratation, gonflement et structuration au cours de la dessiccation et de la réhumectation. Thèse Dr Etat ès Sciences, Sciences Physiques de la Terre, Univ. Paris VII, 361 p., Inra Editeur.
Tessier D (1991) Behaviour and microstructure of clay minerals. In Soil Colloids and their associations in aggregates, Edited by M.F. De Boodt et al., NATO Advanced Series, Plenum Press, New York, 387-415
Tessier D (1994). Rôle de l’eau sur les propriétés physiques des sols. Science et changements planétaires. Sécheresse, 5(3), 143-150.
Tessier D, Bigorre F, Bruand A (1999) La capacité d’échange outil de prévision des propriétés physiques des sols. C. R. Acad. Agric. Fr. 2, 37-46, séance du 10 février 1999.
Wang IT, Gregg LL (1990) Hydrophilic polymers. Their response to soils amendments and effect on soilless potting mix. J. Amer. Soc. Hort. Sci., 115 (6), 943-948.
White JM (1964) The concept of Container Capacity and its application to soil moisture fertility regime in the production for container crops. Ph.D. Pennsylvania State University Park (USA).