L’eau est indispensable à l’agriculture. En effet, pour que le gaz carbonique, matière première de la photosynthèse, puisse pénétrer dans les feuilles des plantes pour atteindre les sites de carboxylation, il faut que les stomates (les pores des plantes) soient ouverts.
L’ouverture des stomates provoquera une perte d’eau par évapotranspiration, impôt obligatoire à payer pour qu’il puisse y avoir production de biomasse et donc récolte. Notons, au passage, que ceci est valable non seulement pour les plantes cultivées mais aussi, bien sûr, pour la végétation naturelle (à l’exception des plantes des régions désertiques qui bénéficient d’un métabolisme de type crassulacée).
Cet échange « eau contre carbone » sera accompagné d’un autre échange: « eau contre chaleur » par l’intermédiaire de la chaleur latente de vaporisation de l’eau. La quantité d’énergie nécessaire à cette évapotranspiration provient en général du rayonnement solaire (Cf diapos suivantes). La borne supérieure de l’évapotranspiration journalière en dépend et ne dépasse guère, pour le territoire français, les 6 mm/jour d’eau évaporée (soit 6 litres / m2 / jour).
Une plante bénéficiant d’un bon état hydrique (irriguée ou non) sera ainsi plus productive et plus froide qu’une plante souffrant de sécheresse.
Ce schéma illustre le lien entre évapotranspiration et énergie disponible (via le rayonnement). Il est valable pour une situation diurne. Le rayonnement net, bilan des rayonnements de différentes natures et origines est positif. Il est la source d’énergie qui doit être dissipée sous d’autres formes une fois atteinte la température d’équilibre du moment. Cette dissipation s’effectue sous trois formes :
- Le stockage de chaleur dans le sol, noté G et généralement très faible (en dehors de situation de sol nu totalement sec).
- L’évacuation vers l’atmosphère par chaleur sensible de convection, notée H sur la figure et peu importante en dehors de situation de sécheresse ou de végétation ayant atteint la sénescence.
- La consommation d’énergie pour la vaporisation de l’eau consommée par la végétation ou évaporée par le sol nu s’il est humide. Ce dernier terme, noté L.E, est le terme majeur des termes de « fuite » d’énergie. Il est le produit de la chaleur latente de vaporisation de l’eau (L = 2.46 J/Kg ou 600 cal/g) par le flux massique de vapeur d’eau ( noté E sur la figure et porté en bleu car il n’intervient qu’indirectement via L.E dans le bilan énergétique).
Cette figure présente l’évolution de chacun de ces flux énergétiques tout au long d’une journée de beau temps (24h = jour+nuit = Nycthémère).
On peut grosso modo dire que, à G près (soit quelques %) le rayonnement net est consommé par H + LE, le curseur entre le premier et le second terme dépendant de l’état hydrique de la surface ou du couvert végétal. En moyenne annuelle , L.E représente de 2/3 à 3/4 de Rn. C’est considérable et déterminant pour le climat : s’il n’y avait pas cette perte de chaleur due à la consommation d’eau, nous connaitrions des étés torrides ( Cf les canicules associées aux sécheresses de 1976 et 2003).
Il est intéressant de noter que ce rapport 2/3 est le même que celui qui lie à l’échelle du territoire français, l’eau consommée par évapotranspiration aux précipitations totales, soit environ 600mm pour 900mm de pluie comme moyenne nationale, laissant 300 mm pour ce que les hydrologues appellent la pluie efficace », c’est-à-dire celle qui rejoint les nappes phréatiques par infiltration et/ou les rivières par écoulement superficiel.
Bien sûr, ce rapport de 2/3 entre flux de chaleur latente et rayonnement net n’est qu’une moyenne annuelle. Il peut beaucoup varier à l’échelle journalière en fonction de la couverture du sol, du stade phénologique des plantes et de l’humidité du sol.
La figure ci-dessus présente l’évolution sur 6 jours au début de l’été 1983 des flux de rayonnement net, chaleur sensible et chaleur latente (par complément au premier) de deux couverts végétaux voisins à Voves prés de Chartres : un champ de blé et un champ de maïs.
Il s’agit d’une succession de 6 belles journées faisant suite à un épisode pluvieux. L’ensoleillement n’est interrompu que par quelques brefs passages nuageux repérables aux indentations de la courbe de Rn. Sur le couvert de blé, le flux de chaleur sensible est faible le premier jour et croît jour après jour. Cela signifie , a contrario, que le flux de chaleur latente , lié à l’évapotranspiration, décroît de jour en jour. Ceci est dû à deux causes : la première est que la réserve en eau du sol a déjà été bien entamée au cours du printemps et devient un facteur limitant une fois l’eau de la pluie récente évaporée. La seconde est qu’on approche de la maturation et que, pour des raisons physiologiques, la consommation d’eau naturelle du blé va décroître, même si l’eau est disponible.
Dans le même temps, sur maïs (partie basse de la figure), le flux de chaleur sensible reste bas jour après jour, laissant la part du lion au flux de chaleur latente le 15 juillet comme le 10. Ceci est dû à deux choses: la première, c’est que le maïs est en pleine montaison et a donc besoin d’évapotranspirer fortement pour pouvoir croître. La deuxième, c’est qu’il le peut car il n’a été planté qu’en mai et n’a donc pas épuisé la réserve en eau du limon profond sur lequel il pousse.
De façon globale, la production à la récolte est assez fortement liée au confort hydrique vécu par les plantes et à la possibilité qu’elles ont eu de pouvoir assurer une évapotranspiration conséquente.
A titre d’illustration, la figure ci-dessus présente la production de maïs obtenue en Charente pour différentes valeurs de consommation d’eau (ces différentes valeurs étaient, dans ce cas, induites par des abris roulants qui diminuaient la quantité de pluie sur certaines parcelles). On observe une liaison quasiment linéaire entre les deux facteurs illustrant bien l’intérêt pour l’agriculteur de fournir à cette culture l’eau nécessaire à sa croissance.
Autre façon d’illustrer le propos : la comparaison des rendements de 2003 (année de sécheresse) à la moyenne nationale pour différentes cultures.
Attention cependant à n’en pas tirer des conclusions sur l’incidence relative de la sécheresse sur ces différentes cultures car les statistiques SCEES mélangent cultures irriguées et cultures en pluvial. Les rendements sur maïs pluvial seul auraient été catastrophiquement plus bas.